Un carrière à impact :
maîtriser les ventes complexes dans des environnements variés, de multinationales aux startups.

Nicolas Mirail incarne l’excellence dans l’art de la vente stratégique, une compétence forgée et affinée au fil d’une carrière commerciale diversifiée traversant de grandes corporates multinationales comme Microsoft à l’univers des startups françaises, en passant par LinkedIn pour lancer le marché français. Aujourd’hui Chief Revenue Officer (CRO) chez Seyna, sa carrière est jalonnée de défis relevés et de succès, témoignant de sa capacité à maîtriser les subtilités de la vente complexe et stratégique dans des environnements variés. 
 
Ce nouvel épisode du podcast Président’s Club révèle les clés de son ascension et de sa dextérité commerciale : une polyvalence stratégique, une quête constante d’apprentissage et une capacité à impacter significativement chaque entreprise qu’il a intégrée. 
 
Au programme de cet épisode : 
  1. Comment évoluer et exceller dans différentes structures et phases d’entreprises, de grandes corporates à des startups.
  2. Comment mettre en place des ventes stratégiques, tout en construisant une carrière impactante dans la vente BtoB.
  3. Ses précieux conseils pour exceller dans la vente et donner plus d’impact à sa carrière de Sales
 

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[PARTIE 1] Les débuts chez Microsoft : l’approche à 360° d’un Sales Leaders expert en deals stratégiques.

Nicolas, tes 11 années chez Microsoft ont été un chapitre déterminant de ta carrière de Sales. Peux-tu nous raconter tes débuts dans la vente et comment as-tu évolué dans cette grande entreprise américaine ?

Avec plaisir. J’ai débuté en tant que Technical Account Manager chez Microsoft, où ma mission était de fusionner mes compétences techniques acquises au sein du groupe avec des stratégies commerciales, pour une gestion optimale des grands comptes. Après environ deux ans et demi, j’ai pris un virage vers la communication en devenant le porte-parole de Microsoft – j’avais fait un peu de politique avant – puis j’ai grandi au sein de l’équipe Marketing sur un profil toujours technique autour du “product-management”, où je gérais les campagnes, les lancements de produits tels que Windows Vista par exemple. C’était une excellente expérience, notamment parce qu’il y avait énormément de moyens et beaucoup d’attentes sur le marché. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à toucher aux forces commerciales, je leur fournissais les arguments et techniques nécessaires pour pitcher et vendre des produits comme Windows auprès des grands comptes – mais d’un point de vue purement marketing.
Cette expérience m’a permis de développer une compréhension profonde des aspects techniques du logiciel, des stratégies go-to-market ou de communication, cruciales pour soutenir nos équipes de vente dans l’environnement compétitif du logiciel. Elle m’a préparé pour mon prochain grand défi : rejoindre l’équipe commerciale dédiée à l’incubation des nouveaux produits de Microsoft en Europe, notamment la virtualisation de Data Centers. Ça m’a apporté un tournant majeur et stratégique vers la vente.

Quel a été le déclic qui t'a orienté vers la vente ? Qu'est-ce qui t'a attiré dans ce domaine ?

J’ai toujours eu une approche à 360 degrés et pensé qu’un commercial est plus pertinent lorsqu’il combine de multiples compétences telles qu’en technologie, en communication ou marketing. Cette polyvalence était pour moi essentielle pour m’orienter naturellement vers la vente, avec une base solide.
Comprendre la technologie, savoir communiquer avec des C-levels, maîtriser les notions marketing de go-to-market, de product marketing, des campagnes marketing – c’est important pour un commercial, non seulement pour mieux comprendre les stratégies mais aussi pour s’adresser à des grands comptes. Cette vision à 360 degrés m’a permis de décrypter plus facilement les stratégies complexes des grands comptes et leurs lignes de business, là où la vente est finalement inextricablement liée à la stratégie marketing globale, aux plans stratégiques, et aux orientations internationales ou sectorielles des entreprises à qui on s’adresse.
J’avais cette volonté d’avoir un éventail de compétences et de connaissances avec moi. Cette polyvalence et compréhension globale ont accéléré ma progression dans la vente.

Raconte-nous tes débuts dans la vente, dans une corporate multinationale comme chez Microsoft.

C’est une immersion dans un environnement où discipline, rigueur et qualité d’exécution sont primordiales. Microsoft est une très belle machine de vente, où chaque action est structurée et chaque étape du processus de vente est stratégiquement définie : on ne part pas à l’aventure dans la vente !


Au-delà des aspects techniques de la vente, j’ai été confronté à la complexité du licensing et y ait appris la finesse des stratégies d’influence, des éléments clés dans la vente chez Microsoft. Cette complexité de la vente, qui n’est pas évidente au début, a finalement structuré mon approche commerciale pour maximiser mon impact.
J’ai également apprécié l’avantage d’avoir accès à un réseau étendu de partenaires et à un écosystème riche, avec des spécialistes dans chaque domaine (juridique, sécurité etc..). On n’est jamais seul dans la vente – et j’expliquerai plus tard que la vraie vente, c’est quand on est tout seul. Mais cette collaboration est aussi complexe à gérer puisqu’il faut apprendre à naviguer dans cet environnement complexe et compétitif, où l’on doit jongler avec les intérêts et les objectifs de chacun. Il y a de la compétition, puis il y a un peu d’intelligence de vente à mettre en place par rapport à l’environnement.

Je résumerai donc Microsoft comme l’excellence en termes de méthodologie de travail et de structure de vente. Dans un marché compétitif, face à des géants comme VMware et Cisco, cette rigueur et cette qualité d’exécution étaient indispensables pour réussir. Cette approche a profondément influencé ma façon de travailler et de manager aujourd’hui, en l’appliquant encore aujourd’hui auprès de mes équipes actuelles.

As-tu un exemple de deal stratégique où l'excellence de Microsoft a fait la différence ?

Un exemple frappant est le deal avec Carrefour. La négociation a duré presque 18 mois et a impliqué des interactions stratégiques à plusieurs niveaux, y compris avec le CTO de Microsoft sur les aspects de sécurité et le directeur général de l’époque, Eric Boustouler. Ce deal a impliqué une combinaison complexe d’éléments techniques, juridiques et de partenariats stratégiques, nécessitant une structure complexe et coordination méticuleuse entre différents échelons au sein de l’entreprise, où chacun avait un rôle spécifique. Grâce à ça, nous avons réussi à évincer un concurrent majeur. C’était un jeu de stratégie continu, nécessitant de la finesse et de la patience. Sans l’engagement et la participation de tous les échelons de Microsoft, ce deal n’aurait pas été possible.

La complexité de ce deal, comme souvent dans les deals stratégiques, résidait dans la nécessité de prendre en compte tous les points d’impact chez le client. Plus qu’une vente, c’était surtout une question de partenariat stratégique, puisque Carrefour était aussi un client sur d’autres domaines comme le retail, les solutions gaming, la Xbox etc.
Signer un tel deal tout seul, c’est impossible. Cela implique beaucoup de travail de fond, d’organisation, et de challenges en interne et avec les partenaires de Microsoft qui influencent également la décision. Chaque personne a un rôle crucial à jouer : chacun doit regarder la même cible, avec des rôles et responsabilités différents.

C’est pourquoi il est essentiel de comprendre les enjeux du client à différents niveaux, puis réussir à aligner les priorités de son entreprise avec celle de son client en face pour que l’ensemble de l’entreprise te suive. C’est le nerf de la guerre pour réussir de grandes ventes : c’est cet alignement qui permet de résoudre, tous ensemble, la pain du client. Ça implique une bonne organisation internes, avec des processus bien établis. Cette approche matricielle et ce niveau de complexité dans les ventes sont typiques chez Microsoft, et similaires dans d’autres grands groupes comme SAP ou Oracle, en raison de la nature des projets à plusieurs millions d’euros qu’ils entreprennent.

Comment évoluer dans une multinationale comme Microsoft – contrairement à une startup ?

Il est essentiel de viser constamment l’excellence. Dans une entreprise de cette envergure, on attend de toi un engagement quotidien et une volonté de toujours pousser tes limites. C’est à l’image d’une compétition sportive : on joue pour gagner, sans jamais baisser les bras. Et ce n’est pas parce qu’on perd un match qu’on doit lâcher. Microsoft a cette culture de la persévérance et de la continuité, renforcée par un flux constant d’innovations et de nouveautés venant des États-Unis, qui nous stimulent à aller de l’avant. La dynamique est différente dans une startup, où les hauts et les bas sont plus marqués et où chaque ralentissement peut affecter tout le monde autour de soi.

Pour gravir les échelons, il faut non seulement que l’entreprise offre des opportunités de se remettre en question et de progresser, mais il faut aussi réussir à maintenir une performance constante. Même si tout le monde peut connaître des passages à vide, le secret pour évoluer est de rester concentré sur sa performance individuelle et collective pour saisir ces opportunités.
D’autre part, la confiance est un autre facteur clé. Lorsqu’un commercial respecte ses engagements en interne et envers ses clients, il gagne la confiance nécessaire lui permettant alors d’évoluer et de relever de nouveaux défis, ou de nouvelles missions.

[PARTIE 2] Virage chez LinkedIn : la transformation des ventes transactionnelles en deals stratégiques.

Pourquoi ce saut vers LinkedIn, une startup américaine en croissance ?

Chez Microsoft, je me sentais un petit peu comme dans une « prison dorée ». Même si j’avais l’impression d’être un maillon important, l’entreprise était tellement vaste qu’il était difficile de sentir son impact parmi des milliers d’employés. Je cherchais donc à avoir un impact plus direct et significatif, et l’environnement de LinkedIn représentait cette opportunité.

Je me souviens d’une conversation avec Julien Codorniou, un ancien de Microsoft, qui avait un impact notable dans son nouveau rôle chez Facebook. Sa réussite m’a inspiré, il m’a encouragé à rejoindre LinkedIn en me disant : « go, vas-y, LinkedIn, ça va cartonner et tu vas avoir de l’impact ». En effet, en arrivant chez LinkedIn, j’étais parmi les premiers employés en France, ce qui m’a permis de participer activement au lancement et au développement de l’entreprise sur le marché français. Je trouvais aussi que c’était une bonne façon pour moi d’appliquer ce que j’avais appris et partagé chez Microsoft, dans un autre univers.

Les premiers jours chez LinkedIn étaient un véritable choc. J’ai dû rapidement m’adapter à un environnement de travail plus agile et moins structuré. C’était au tout début de LinkedIn en 2011, on a vraiment démarré de rien. C’est là que j’ai découvert ce qu’était la vente un peu plus « à la dure », on va dire.

Au début, j’avais une certaine confiance, voire un ego important, du fait de mon succès chez Microsoft. J’étais persuadé de pouvoir rapidement conclure des gros deals chez LinkedIn. Cependant, les trois premiers mois ont été une leçon d’humilité : je n’ai conclu aucun deal significatif alors que je pensais au moins sortir un deal à un million. Cela m’a amené à une prise de conscience importante suite à une discussion avec Ariel, mon directeur Europe chez LinkedIn. Il m’a fait prendre conscience de la nécessité de m’adapter et de travailler également sur des deals plus petits, des ventes transactionnelles à 5 000€ et non plus stratégiques – ça a été un changement radical par rapport à mon expérience chez Microsoft.

Cette nouvelle approche a été un véritable défi mais aussi une excellente école pour moi, m’obligeant à appliquer la discipline, la rigueur et la méthodologie que j’avais acquises chez Microsoft, dans un contexte complètement différent – LinkedIn était encore en phase de croissance et relativement inconnu en France.
J’ai dû apprendre à vendre de manière plus directe et concrète, prendre le téléphone par exemple alors que chez Microsoft, nous accédions facilement aux décisionnaires et à des C-level. Et dans la petite équipe qu’on formait avec David Dias, Alice Masson et Xavier Oliel, on a tout explosé en six mois, parce qu’on s’est mis en mode vente – et c’était de la « vraie vente » !

Comment ressentais-tu ton impact commercial chez LinkedIn ?

Au début, l’impact n’était pas évident, surtout pendant les six premiers mois. Nous atteignions nos objectifs de chiffre d’affaires, mais c’était un début modeste. Le véritable déclic est venu lorsque j’ai été promu sur un rôle plus stratégique, en tant que Global Account Manager, pour gérer des clients majeurs comme L’Oréal, Capgemini et Total. J’ai pu monter le nouveau programme GAM pour les grands comptes, visant à créer un business plus stratégique et à l’échelle mondiale. Cette transition a marqué le début de deals beaucoup plus importants, atteignant même le million d’euros après deux ans – alors loin de mes premiers deals à 5000€.

L’impact de notre travail devenait palpable, non seulement en interne avec la croissance rapide de l’équipe et le développement de nouvelles solutions comme LinkedIn Marketing Solution, mais aussi auprès de nos clients qui commençaient à reconnaître la valeur ajoutée de nos solutions et de nos ventes : des ventes de confiance et structurantes qui résolvent véritablement leur pain – le « vrai besoin » du client.

J’ai été élu MVP (Most Valuable Person), donc meilleur commercial monde, et j’ai réalisé l’impact qu’on avait sur le marché, avec la fierté d’avoir été là depuis le début aux côtés de David, Xavier et Alice.

À quel moment as-tu vraiment ressenti le passage de ventes transactionnelles à devenir un partenaire stratégique pour tes clients chez LinkedIn ?

Je dirais en 2013, deux ans après l’ouverture du bureau parisien, nous avons commencé à conclure des ventes plus globales. Une anecdote marquante a été ma rencontre avec Jean-Paul Agon, le PDG de L’Oréal, que je voyais une fois par an avec son comité de direction pour une business review. Je leur présentais des insights précieux en leur montrant d’où venaient et où partaient leurs employés. Cette capacité à apporter de la data assez stratégique a impressionné L’Oréal – et d’autres clients aussi comme Capgemini – en venant influencer positivement leur acquisition de talents. Quand le comité de direction des groupes du CAC 40 nous offre la possibilité de nous exprimer, qu’ils nous écoutent et reconnaissent l’impact de LinkedIn, on réalise alors notre impact sur le marché. C’est là que j’ai réalisé que nous n’étions plus dans une simple transaction, mais dans une véritable vente stratégique.

Comment gérais-tu l'exécution d'un deal stratégique chez LinkedIn, où les ressources étaient peut-être plus limitées que chez Microsoft ?

Pour moi, le temps fort dans une vente stratégique, ce n’est absolument pas la vente : c’est de comprendre la proposition de valeur de sa société et quelle est la pain [ndlr: problématique] de ton client. C’est la vision que je partage à mes équipes actuellement. Il faut réussir à discerner le besoin réel du client, comprendre ses enjeux, sa stratégie et savoir ce qu’on va concrètement aider à résoudre chez le client.

Par exemple, chez L’Oréal, il s’agissait de comprendre leurs défis en matière de recrutement d’ingénieurs mais aussi de parité. Et encore une fois, les enjeux de L’Oréal US étaient différents de L’Oréal France. Donc comprendre tout ce qui fait qu’une entreprise se développe, c’est la base d’un commercial stratégique. Ensuite, cela impliquait de travailler étroitement avec mes équipes et les relais que j’avais un peu partout dans le monde pour s’aligner et s’assurer que nos efforts soient en phase avec les objectifs stratégiques des clients.
Une fois qu’un commercial a compris la pain, qu’il tient le même discours et le même langage que son client, ils regardent alors dans la même direction.

Gérer de tels deals stratégiques nécessitait une confiance mutuelle profonde entre LinkedIn et ses clients. Cela signifiait aller au-delà de la simple transaction pour établir une relation où les clients partageaient ouvertement leurs plans stratégiques à 3 ou 4 ans et leurs défis avec nous, nous permettant ainsi de proposer des solutions véritablement adaptées à leurs besoins. Ce niveau de confiance et de collaboration a été la clé pour transformer LinkedIn en un partenaire stratégique pour des entreprises comme L’Oréal et Capgemini.

Comment as-tu réussi à inculquer cette démarche d’alignement et cette approche de vente stratégique à tes équipes ?

Au début, ayant été meilleur commercial monde, j’ai commis l’erreur de penser que mon équipe pourrait simplement reproduire mes méthodes. Mais j’ai vite compris que ce n’était pas la bonne approche. Chacun a son propre rythme, sa manière de travailler et d’aborder les choses, et tenter d’imposer ma méthode était une erreur.

J’ai alors changé d’approche et me suis concentré sur la définition claire des objectifs, en leur montrant la direction à prendre : où nous voulons aller, ce que nous voulons obtenir et comment chaque membre de l’équipe peut y parvenir à sa manière pour faire le chemin entre le point A de départ et le point B. Cette perspective a permis à l’équipe de développer ses propres stratégies tout en visant des objectifs communs.
Ce qui compte dans la vente stratégique, c’est la capacité à identifier et à comprendre les problèmes spécifiques du client, puis à élaborer une stratégie pour les résoudre. Le plus compliqué, c’est de bien définir ce chemin. Et si on ne comprend pas le « vrai caillou dans la chaussure » de son client, on n’arrivera pas à ce point B. J’ai encouragé mon équipe à adopter cette approche plus agile, en soulignant que la compréhension profonde du client est la clé pour transformer une vente transactionnelle en une vente stratégique et durable.

L’évolution de mon équipe est devenue alors évidente lorsqu’ils ont commencé à gérer et conclure des deals [ndlr : ventes] importants et structurants de manière autonome. Ils ont appris à aborder les deals stratégiques à leur façon, en s’assurant qu’ils comprenaient et répondaient aux besoins réels du client. C’est cette capacité à adapter leurs approches tout en maintenant cet alignement stratégique qui a vraiment marqué leur progression et leur succès.

Quels sont, selon toi, les facteurs clés pour réussir dans un environnement comme LinkedIn, par rapport à Microsoft ?

En réalité, les fondamentaux de la gestion des grands comptes sont assez similaires entre LinkedIn et Microsoft. J’ai appliqué chez LinkedIn une grande partie de ce que j’avais appris chez Microsoft. La discipline, l’intégrité dans les relations avec les clients et la compréhension des activités des clients sont similaires et essentielles dans les deux environnements. Par exemple, David Dias, qui m’a succédé chez LinkedIn, n’avait pas d’expérience préalable chez Microsoft. Cela ne l’a pas empêché d’exceller en tant que Global Account Manager (GAM), en grande partie grâce à l’application de ces mêmes principes. Il allait même jusqu’à l’analyse des bilans financiers des clients, un élément crucial pour comprendre et réussir une vente complexe.


Un autre facteur commun est la disponibilité des ressources nécessaires pour atteindre ses ambitions. Tant chez LinkedIn que chez Microsoft, nous avions les moyens de nos ambitions, ce qui n’est pas toujours le cas pour les commerciaux de TPE, PME ou de startups en phase early stage. Avoir de grandes ambitions sans les moyens adéquats peut s’avérer plus difficile. Mais à part cette question de moyens, c’est à peu près le même cahier de recettes pour réussir.

[PARTIE 3] 1ère start-up française chez EasyRecrue : l'art des ventes stratégiques pour un exit réussi

Après ton succès chez LinkedIn, tu as rejoint iCIMS, anciennement EasyRecrue. Qu'espérais-tu trouver en rejoignant cette startup française, considérant ta réussite chez LinkedIn ?

EasyRecrue était une petite startup française et l’opportunité de rejoindre la direction se présentait. Ce changement représentait un risque, mais j’ai toujours été attiré par la prise de risque dans ma carrière, couplée au désir d’apprendre et de relever de nouveaux défis. Chez EasyRecrue, j’avais l’opportunité de m’impliquer directement dans les décisions stratégiques et d’avoir un impact réel sur la trajectoire de l’entreprise. C’était une expérience complètement différente de celle des grandes entreprises américaines où j’avais travaillé auparavant, et à un moment clé où les startups levaient beaucoup de fonds.

La transition a été très challengeante. Contrairement à LinkedIn, EasyRecrue avait des moyens plus limités, ce qui rendait l’environnement de travail plus difficile, mais aussi plus formateur. Cela m’a obligé à être plus stratégique et prudent dans mes décisions, et plus fin dans la gestion. C’est ce qui en fait une excellente école pour évoluer dans les métiers de la vente, où il y a tout de même certaines étapes à respecter pour gravir les échelons. Ce n’est pas parce qu’un Sales est élu meilleur commercial France qu’il sera forcément un bon PDG.
La meilleure façon d’évoluer, c’est certes d’avoir un éventail de compétences mais aussi d’être capable de comprendre et maîtriser l’ensemble des enjeux de son entreprise, y compris les enjeux financiers, et d’y répondre de façon stratégique. Comprendre comment gérer une entreprise avec des ressources limitées est essentiel, car chaque décision a un impact direct et significatif, non seulement sur l’entreprise mais aussi sur les collaborateurs. C’est aussi ce que je recherchais.

Quand je suis arrivé chez EasyRecrue, l’objectif était de relever significativement la société, ou bien d’aller chercher un exit [ndlr : vente de l’entreprise]. Puis, on a réussi à vendre la boite pendant la période du Covid à la société iCIMS, qui est un des leaders aux États-Unis. Quand on est à bord de la direction, on comprend mieux l’importance des décisions stratégiques des investisseurs, pourquoi ils investissent un million, deux millions ou quinze millions d’euros. On sait ce qu’est une série A, une série B etc… Cette expérience m’a enseigné que derrière chaque choix stratégique, il y a des choix financiers, et surtout, un impact humain important à considérer.

Quand on rejoint de petites startups comme celle-ci, on prend toujours un risque, il faut veiller à la qualité de l’équipe dirigeante. Le facteur humain est primordial : il est important de rejoindre une entreprise au sein de laquelle le capital humain est important, et où les leaders sont réfléchis et savent où ils vont. Dans les petites structures, la rapidité et l’agilité de prise de décision et de réaction sont bien plus fortes.

Cette expérience chez EasyRecrue a aussi renforcé mon approche du recrutement et de la construction d’équipe commerciale, un pilier fondamental de la performance d’une entreprise. La qualité des recrues est cruciale, tout comme la quantité de talents à recruter. Il faut aussi veiller à identifier les postes clés et talents, ceux qui permettront par exemple transformer une start-up en scale-up.
Tous ces enjeux liés au pilotage d’une société, je ne les voyais pas forcément chez LinkedIn. L’importance des people [ndlr: les employés] qui sont dans l’entreprise, des rôles, des choses qu’il faut faire ou ne pas faire – J’ai appris à valoriser et à gérer les ressources humaines et financières de manière beaucoup plus stratégique.

Cette vision globale de l’organisation d’une entreprise a ajouté une dimension importante à mon profil, bien au-delà de ce que j’aurais pu apprendre dans l’environnement plus sécurisé de LinkedIn ou Microsoft. Avoir vécu ces différentes expériences, notamment celle d’avoir vendu la société EasyRecrue à iCIMS et côtoyé directement les banques d’affaires, a eu un impact fort dans ma carrière et m’a offert une vision plus approfondie et réaliste du business.

Quels ont été les défis que tu as rencontré en débutant chez EasyRecrue ?

Encore une fois, la startup opérait de manière très transactionnelle, avec des contrats de faible valeur. Par exemple, on se réjouissait d’avoir le logo de la Société Générale pour un contrat de seulement 10 000 €. Personnellement, j’estime un beau logo à 100 000 € minimum. Pourquoi ? Car la valeur d’un tel deal influe significativement sur la valorisation de son entreprise, surtout si l’on s’adresse à des investisseurs dans une stratégie de levées de fonds ou pour préparer un exit.

Chez EasyRecrue, j’ai donc restructuré l’approche commerciale et stratégique pour viser des contrats plus importants et aligner l’entreprise sur une stratégie plus ambitieuse, en basculant d’un marché SMB [Ndlr : Small & Medium Business] à des comptes plus stratégiques. Cette transition n’était pas facile, car elle impliquait de changer l’état d’esprit, les méthodes de l’équipe, mais aussi des choix de recrutement. Mais c’est aussi au rôle de Sales Leader d’influer ces choses-là.
A des postes de direction, un Sales Leader gère la société un peu comme si c’était la sienne. Et on apprend énormément là-dessus : à prendre des décisions plus stratégiques, à s’adapter à une gestion plus prudente des ressources, à insuffler à ses équipes la gestion complexe de deals stratégiques. Au final, les équipes sont souvent reconnaissantes.

Comment as-tu conduit efficacement le changement de stratégie commerciale au sein de ton équipe ?

En tant que Sales leader, mon rôle était de donner une direction claire de la société et de veiller à ce que tout le monde soit aligné. Il fallait donc laisser partir ceux qui ne partageaient pas la même vision ou qui n’étaient pas faits pour des ventes stratégiques – non pas qu’ils sont mauvais, mais simplement pas alignés avec la direction que nous souhaitions prendre.

Au fil du temps, j’ai formé une équipe plus restreinte mais qui a su gagner rapidement en performance, capable de réaliser des deals stratégiques significatifs. A partir du moment où ils performent, ils sont fiers. Donc ils ont tout gagné car justement, ils apprennent. Et toi-même, en tant que Sales leader, tu as le sentiment de gagner. Chez EasyRecrue, nous avions fait des super deals, même encore les deux dernières années où j’étais VP of Sales EMEA de iCIMS qui nous avait racheté. Ça prouvait l’efficacité de notre nouvelle stratégie commerciale. Cela a aussi renforcé ma conviction que diriger efficacement nécessite parfois des décisions difficiles, mais importantes pour le bien de l’entreprise et de son avenir.

Quels étaient les avantages d’une startup pour amener ce changement ?

La transformation rapide chez EasyRecrue illustre parfaitement l’agilité et la flexibilité des startups. Comparé à une grande entreprise, où les changements sont plus lents à cause de leur taille et de leur complexité, une startup peut au contraire changer de direction et s’adapter beaucoup plus rapidement. C’est comme comparer un bus à une camionnette : dans un bus, chaque virage doit être pris avec beaucoup plus de précaution et de préparation, tandis qu’avec une camionnette, ces mêmes virages peuvent être pris plus rapidement et facilement.

Cette dynamique est cruciale dans les startups. Les fondateurs et leaders de Startup, comme Mickael Cabrol dans le cas d’EasyRecrue, jouent aussi un rôle clé. Leur vision, leur intelligence, leur sens du business et leur capacité à diriger sont des atouts majeurs. Dans de telles structures, le facteur humain est primordial. Il est essentiel de veiller à rejoindre des entreprises dirigées par des leaders compétents et réfléchis, qui ont une vision claire et pas de simples idées extravagantes.

Les erreurs sont inévitables, mais elles sont également une source d’apprentissage. La capacité à prendre des décisions rapidement et à réagir avec agilité est un atout majeur des petites structures, ce qui permet une évolution et une adaptation beaucoup plus rapides que dans les grandes entreprises.

Comment as-tu ressenti ton impact chez EasyRecrue ?

L’impact a été immédiatement perceptible chez EasyRecrue. Chaque personne, quel que soit son rôle ou son échelon dans l’entreprise, y contribuait de manière significative. C’était extrêmement valorisant pour l’ensemble de l’équipe alors qu’il est plus difficile de ressentir un tel impact dans une grande entreprise.
C’est d’ailleurs cette quête d’impact et cette possibilité de tester et valider de nouvelles choses qui attirent beaucoup de jeunes commerciaux vers les startups aujourd’hui, bien au-delà des avantages financiers comme les stock-options, les BSPCE, actions etc..

Comment as-tu réussi à positionner cette startup auprès de grands groupes comme la Société Générale ? Et quel a été l'impact de cette approche ?

Pour réussir à se démarquer, il faut d’abord cibler spécifiquement des comptes clés, comme nous avions fait pour Sanofi par exemple, puis déterminé comment notre proposition de valeur pouvait leur être bénéfique. Il ne faut pas penser que l’on puisse révolutionner les grands groupes, ils sont brillants et n’attendent personne pour avancer et innover !

Je pense que le succès d’EasyRecrue tenait justement à notre capacité à apporter une proposition de valeur unique et alignée aux besoins des clients grands comptes, en mettant l’accent sur notre agilité à mettre en place rapidement des outils en ligne qui rendent des services efficaces. Il est bien-sûr difficile d’atteindre le million au début, mais il faut y arriver par palier avec des deals de 10 000 €, puis 100 000 € etc..
On arrivait à se positionner en complément de leurs systèmes existants, en commençant par des contributions mineures mais essentielles, puis en élargissant progressivement notre influence et proposition de valeur.
Il est nécessaire de comprendre exactement comment son client grand compte fonctionne, quels sont ses besoins, et où asseoir notre proposition de valeur dans son organisation. Une fois ces éléments réunis, on réussit finalement à positionner à la fois ses ventes, sa stratégie de vente – et donc son entreprise – au bon endroit. Cette approche nous a d’ailleurs permis de créer une vraie « stickiness » avec nos clients grands comptes, en leur offrant des solutions rapides et adaptées à leurs besoins spécifiques.

Bien-sûr, il y a un temps d’entrée plus long, qui peut faire peur aux dirigeants puisque le premier deal peut mettre du temps à se signer. Mais cette persévérance finit par payer : chaque succès, même mineur, peut ouvrir de nouvelles opportunités et contribuer à un succès plus large à long terme – à condition bien-sûr, d’assurer une qualité d’exécution, de remettre de la continuité et de construire une relation de confiance avec son client.

[PARTIE 4] Une évolution au poste de Chief Revenue Officier (CRO) chez Seyna : les clés pour piloter une croissance rentable – et durable.

Aujourd’hui, tu es Chief Revenue Officer (CRO) chez Seyna, peux-tu nous parler de ce nouveau poste et de ses enjeux ?

Après avoir quitté iCIMS, j’ai rejoint Seyna en tant que CRO (Chief Revenue Officer), une vraie évolution dans ma carrière, passant de VP Sales à un rôle englobant davantage de responsabilités. Seyna est une startup dans l’InsurTech, similaire à Alan mais avec une particularité : c’est un assureur et aussi un éditeur de logiciels pour les courtiers.

Chez Seyna, ma mission en tant que CRO va au-delà de la simple vente. Je supervise non seulement les ventes, mais veille aussi la marge et la rentabilité de celles-ci. Ce rôle de CRO est plus commun aux États-Unis, mais commence à se répandre en France. Il requiert une compréhension profonde de l’organisation de l’entreprise et va au-delà des compétences traditionnelles en vente, en s’immisçant davantage dans les aspects financiers et stratégiques de l’entreprise. Cela implique une gestion prudente des opérations sales et marketing et des décisions stratégiques pour assurer la viabilité financière de l’entreprise.
Cela est d’autant plus important aujourd’hui, dans un contexte où le financement des banques ou des fonds d’investissement est moins accessible : les investisseurs s’intéressent désormais aux entreprises ayant un plan d’équilibre financier solide. Ils recherchent un EBIT [ndlr : Earnings Before Interest and Taxes] qui reflète un équilibre financier, voire une rentabilité positive.

Face à cette réalité, nous devons parfois choisir de ne pas vendre si cela risque de dégrader notre marge à terme. Cela implique de couper parfois certaines opérations marketing dont le ROI serait trop faible, ou de se concentrer sur des stratégies plus ciblées et précises, comme l’ABM [Account Based Marketing], orientées vers les grands comptes. L’enjeu est de ne pas dépenser inutilement et ainsi consommer notre marge.

Ce nouveau poste représentait donc un beau challenge, avec l’impression de changer de monde. Par exemple, travailler aujourd’hui avec des actuaires dans la gestion des risques chez Seyna représente un défi intellectuel passionnant pour moi. Pour autant, les mécanismes et méthodes de vente restent fondamentalement les mêmes. Quel que soit le secteur, les questions clés demeurent : quelle proposition de valeur allons-nous apporter à nos clients, qu’ils soient de grands courtiers ou grands assureurs ? Qu’est-ce qui va faire que ce courtier va gagner beaucoup plus d’argent avec nous demain ? 

Bien-sûr, comme toute prise de fonction managériale, il y a des départs et arrivées de collaborateurs, ce sont des périodes de phasing [ndlr: périodes d’adaptation] qui permettent de rebondir sur de nouveaux projets. Je pense que la clé, c’est l’engagement et la volonté d’apprendre des collaborateurs qui permettent de faire avancer une entreprise, ses collaborateurs et ses projets. Quand on a un profil qui a toujours envie d’apprendre, on n’est jamais à risque. C’est cette dynamique d’apprentissage continu, que je partage avec mes équipes, qui enrichit à la fois l’individu et l’entreprise. Au contraire, je considère que ceux qui se mettent à risque en entreprise sont plutôt ceux qui choisissent de stagner, et de ne pas progresser.

Au-delà du pilotage de la rentabilité, quels autres challenges rencontres-tu en tant que CRO ?

Le secteur de l’assurance est un monde nouveau pour moi, qui nécessite de tisser de nouvelles relations solides et connaissances, d’apprendre de nouvelles façons d’interagir. Cela demande une capacité d’apprentissage rapide et une compréhension approfondie pour arriver à construire des relations de confiance solides et durables avec mes partenaires. Cela implique aussi de tenir mes promesses par des actions concrètes.

Le challenge est donc double : il faut d’abord comprendre en profondeur tout l’écosystème, les enjeux stratégiques, financiers et opérationnels de mes interlocuteurs et maîtriser leur langage. Comprendre ce qui fait gagner de l’argent à ces acteurs, ou ce qui le leur fait perdre, c’est crucial.
Ensuite, c’est ce qui va permettre d’adapter nos stratégies et modeler nos méthodologies de vente pour optimiser nos résultats. Par exemple, je suis en train de mettre en place des « Account Planning » pour se projeter sur des comptes sur plusieurs années, cette approche reste encore inédite dans ce secteur. C’est la raison pour laquelle il est essentiel d’analyser en profondeur cette nouvelle industrie, pour que les décisions soient pertinentes et adaptées.

[CONSEIL CARRIERE]

"Les clés d’une carrière réussie dans la vente ?
Prendre des risques, apprendre et transmettre"

Quels conseils donnerais-tu aux Sales et Sales Leaders pour orienter leur carrière ?

Existe-t-il un chemin tout tracé ? Je ne le pense pas. Ce qui est néanmoins crucial, c’est de rester toujours en mouvement – en marche avant ! Ceux qui se contentent de regarder juste devant eux peuvent manquer des opportunités : des occasions de gagner de l’argent, de croissance pour leur entreprise ou même personnelle, de changer leur manière de manager et d’être.

J’ai pris des risques, parfois des écarts importants, mais ces risques étaient toujours calculés, ou plutôt, comme le disait Mike Gamson chez LinkedIn, je prenais des « risques intelligents ». Dans ce contexte économique et social compliqué, prendre des risques est d’autant plus essentiel. Ceux qui réussissent, notamment aux États-Unis, sont ceux qui n’ont pas peur du changement. Rester dans une entreprise et faire la même chose pendant 3, 4, 5 ans, on n’apprend plus rien. Et si tu es leader et que tu n’apprends plus, alors tu ne transmets plus.

Chez iCIMS, après avoir signé d’énormes contrats, je voyais mon équipe répliquer mes méthodes. Je me demandais, quelle était ma valeur ajoutée ? Alors oui, j’avais un beau titre, un salaire confortable chaque fin de mois et un égo surdimensionné à nouveau – mais je sentais que mon apprentissage s’essoufflait, tout comme mon impact puisque j’allais transmettre de moins en moins. Selon moi, un leader, directeur commercial ou VP Sales, qui ne transmet plus, sera voué à l’échec. C’est vital de continuer à prendre des risques, pour toujours apprendre et grandir dans l’entreprise afin de pouvoir transmettre.

Prendre des risques peut impliquer un changement d’industrie aussi, ça apporte de nouvelles perspectives. Il y a toujours des ponts sur la façon de vendre, qu’elle soit transactionnelle ou stratégique, mais la valeur ajoutée des expériences passées est immense. C’est elle qui enrichit ton entourage. En les enrichissant, tu gagnes – et ils gagnent avec toi. 

Le meilleur conseil carrière de
Nicolas Mirail ?

« Il est est vital de continuer à prendre des risques, pour toujours apprendre, grandir dans l’entreprise et pouvoir transmettre à ses équipes. Si tu es leader et que tu n’apprends plus, alors tu ne transmets plus – tu seras donc voué à l’échec.

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